Lorsque je déambule dans la cour d’honneur de la Sorbonne avec ses colonnes majestueuses et son architecture séculaire, je ressens toujours cette atmosphère particulière qui a séduit tant de cinéastes. Ce n’est pas un hasard si cette institution emblématique de l’enseignement supérieur français attire régulièrement les caméras depuis plus de soixante ans. Les réalisateurs les plus prestigieux ont choisi ce cadre exceptionnel pour donner vie à leurs visions artistiques. L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avec ses amphithéâtres imposants, ses galeries historiques et ses cours pavées, offre une esthétique incomparable qui transcende l’écran. À travers cet article, je vous invite à découvrir les œuvres cinématographiques qui ont immortalisé ce temple du savoir et comment son influence rayonne dans le septième art.
Sommaire
La Sorbonne comme décor de films emblématiques du cinéma français et international
Les films historiques qui ont immortalisé la Sorbonne
L’histoire cinématographique de la Sorbonne commence véritablement à la fin des années 1950, lorsque le réalisateur Marcel Carné y pose ses caméras pour tourner une scène de son film “Les Tricheurs” en 1958. Ce choix n’était pas anodin : il souhaitait capturer l’effervescence intellectuelle qui régnait alors dans ce haut lieu du savoir. Les couloirs austères et les salles chargées d’histoire offraient un contraste saisissant avec la jeunesse bouillonnante de l’époque.
Mais c’est sans doute Jean-Luc Godard qui a le plus contribué à l’immortalisation cinématographique de la Sorbonne. En 1960, il y tourne des séquences d’un film qui deviendra l’un des manifestes de la Nouvelle Vague : “À bout de souffle”. Je me souviens avoir été frappé, lors de ma première projection de ce chef-d’œuvre, par la manière dont Godard utilisait les espaces universitaires pour symboliser à la fois la tradition et la révolte. Les scènes tournées dans l’enceinte de l’université témoignent d’une époque où la culture artistique et la pensée critique s’entremêlaient dans ce quartier latin en pleine ébullition.
Ces films ont non seulement capté l’essence de la vie étudiante de leur temps, mais ils ont également préservé l’image d’une Sorbonne qui, bien que toujours imposante, a connu des transformations au fil des décennies. Les techniques de tournage, encore relativement légères à cette époque, permettaient une immersion authentique dans ce lieu historique sans perturber excessivement son fonctionnement quotidien.
Les productions internationales attirées par le prestige de la Sorbonne
Si la Sorbonne a d’abord séduit les cinéastes français, son rayonnement international a rapidement attiré des productions étrangères. Le prestige de cette institution, son architecture remarquable et sa symbolique forte en font un décor de choix pour représenter l’excellence académique française à l’écran.
Le cas le plus emblématique reste celui de “Lucy”, réalisé par Luc Besson en 2013. Ce film demeure parmi les plus le plus grands succès français à l’international avec plus de 53,5 millions d’entrées à travers le monde. Pour ce projet ambitieux, Besson a exploité plusieurs espaces de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : l’entrée principale majestueuse, la cour d’honneur avec son atmosphère solennelle, la Galerie Soufflot du centre Panthéon et l’impressionnant amphithéâtre Richelieu.
Je me rappelle avoir assisté à une partie du tournage où Morgan Freeman interprétait le professeur Samuel Norman. L’acteur américain semblait parfaitement à sa place dans ce cadre académique prestigieux, incarnant un scientifique de renom dispensant son savoir dans l’un des temples de la connaissance. La scène finale du film, qui se déroule devant l’entrée principale de l’université, utilise magistralement la puissance symbolique du bâtiment pour renforcer le message du film sur l’évolution et le savoir.
Ce choix de la Sorbonne pour une superproduction américaine illustre parfaitement comment cette institution incarne, aux yeux du monde entier, l’excellence intellectuelle française. Les équipes techniques internationales qui s’y sont succédé ont toutes été impressionnées par la grandeur des lieux et leur charge historique, parfaits pour donner de la profondeur à leurs créations artistiques.
Les biopics et films d’époque reconstituant des moments historiques
La Sorbonne a également servi d’écrin à des reconstitutions historiques minutieuses, notamment pour des films évoquant les événements majeurs qui ont marqué son histoire. En 2016, Michel Hazanavicius a choisi ce cadre emblématique pour tourner “Le Redoutable”, un biopic consacré à Jean-Luc Godard inspiré du roman “Un an après” d’Anne Wiazemsky.
Pour ce tournage, trois lieux emblématiques de la Sorbonne ont été mobilisés : l’amphithéâtre Richelieu avec ses boiseries majestueuses, la Galerie des Lettres aux proportions imposantes et la cour d’honneur pavée. J’ai eu l’occasion d’observer comment, pour les scènes reconstituant Mai 68, cette cour avait été entièrement métamorphosée. Des drapeaux rouges, des banderoles revendicatives et des affiches aux slogans révolutionnaires ornaient les murs, transformant radicalement l’atmosphère habituellement sereine du lieu.
Cette reconstitution historique témoignait d’un souci d’authenticité remarquable. Les costumes d’époque, les coiffures, mais aussi l’ambiance générale avaient été méticuleusement travaillés pour faire revivre cette période de contestation politique qui a profondément marqué l’histoire de l’université. Les équipes de décoration avaient consulté de nombreuses archives photographiques et documentaires pour restituer fidèlement l’apparence de la Sorbonne pendant ces semaines mouvementées.
La dimension symbolique de ce choix de lieu était évidente : tourner un film sur Godard, figure emblématique de la revendication artistique et politique, dans l’enceinte même où s’étaient déroulés certains des événements majeurs de Mai 68, créait une mise en abyme particulièrement pertinente. Le réalisateur Michel Hazanavicius a ainsi pu jouer sur la résonance entre le contenu du film et son cadre de tournage, enrichissant considérablement la portée de son œuvre.
L’influence de l’université sur la création cinématographique contemporaine
Les réalisateurs séduits par le cadre académique et ses valeurs
Parmi les cinéastes contemporains ayant succombé au charme de la Sorbonne, Yvan Attal occupe une place particulière. En 2016-2017, il y a tourné “Le Brio”, une œuvre profondément ancrée dans l’univers académique. Le choix du centre Panthéon comme lieu de tournage n’était pas fortuit. Comme il l’expliquait lui-même, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne “incarne une grande tradition française” et “représente des valeurs fortes” qu’il souhaitait mettre en exergue dans son film.
L’intrigue, centrée sur Neïla Salah, une étudiante préparant un concours d’éloquence sous la direction d’un professeur incarné par Daniel Auteuil, trouve dans les murs de la Sorbonne un écrin particulièrement adapté. Je me souviens avoir assisté à quelques scènes de tournage où l’imposant amphithéâtre servait d’écrin parfait aux joutes oratoires qui constituent le cœur du film. Les dialogues brillants résonnaient sous les voûtes centenaires, créant un contraste saisissant entre la modernité des échanges et l’ancienneté du cadre.
Ce qui m’a particulièrement frappé dans ce projet, c’est la manière dont Attal a su capter l’essence même de l’institution : la transmission du savoir, l’excellence académique et la confrontation des idées. Les scènes tournées dans les couloirs, les salles de cours et les amphithéâtres ne se contentent pas d’utiliser la Sorbonne comme simple décor ; elles en font un personnage à part entière qui influence les protagonistes et leur évolution.
Le film aborde également les questions d’identité, d’intégration et d’ascension sociale à travers le parcours de son héroïne, faisant écho aux débats contemporains qui animent souvent l’université. En choisissant la Sorbonne comme cadre, Attal inscrit son récit dans une tradition intellectuelle française tout en questionnant sa capacité à évoluer et à s’ouvrir.
Les comédies et films grand public utilisant le cadre universitaire
Le cadre universitaire de la Sorbonne a également inspiré des œuvres plus légères, à l’image de “Gangsterdam”, une comédie d’aventure réalisée par Romain Levy. Ce film, qui suit les péripéties de trois étudiants en dernière année de faculté, a bénéficié de tournages dans la cour d’honneur et l’amphithéâtre III du centre Panthéon. Ce qui rend cette production particulièrement intéressante, c’est l’implication de véritables membres de la communauté universitaire.
J’ai eu l’occasion d’échanger avec certains étudiants ayant participé au tournage comme figurants, et même avec Bruno Dondero, professeur à l’École de Droit de la Sorbonne, qui a accepté de faire une apparition. Cette collaboration entre équipe de tournage et acteurs réels de la vie universitaire a apporté une authenticité bienvenue à ce film qui, malgré son ton léger, capture certains aspects de la vie étudiante contemporaine.
Dans un registre différent, Nicolas Bedos a choisi l’amphithéâtre Oury pour tourner des séquences de “M. & Mme Adelman”. Cette comédie romantique, qui retrace la vie d’un célèbre écrivain à travers les confidences de sa muse, trouve dans le cadre solennel de la Sorbonne un contraste intéressant avec la passion tumultueuse du couple principal. Le réalisateur s’est dit particulièrement impressionné par “l’atmosphère, l’histoire et l’ambiance” du lieu, qui apportait une profondeur supplémentaire à son récit narratif.
Ces deux exemples illustrent comment la Sorbonne peut servir de cadre à des œuvres grand public sans pour autant perdre sa dimension prestigieuse. Les réalisateurs parviennent à jouer avec les codes universitaires, tantôt pour les détourner avec humour, tantôt pour les magnifier. La lumière naturelle qui baigne certains espaces, notamment les cours et les galeries, offre aux directeurs de la photographie des possibilités visuelles exceptionnelles qui enrichissent considérablement l’esthétique de ces films.
L’émergence de jeunes talents soutenus par l’institution
Au-delà des productions établies, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne joue également un rôle crucial dans l’émergence de nouveaux talents cinématographiques. Je pense notamment à Jim Chawki, diplômé en histoire de l’art, spécialité cinéma, qui a pu tourner son court métrage d’anticipation “France 2000” dans l’amphithéâtre Turgot. Ce jeune réalisateur a choisi ce lieu spécifique pour son cadre architectural “créant une symétrie qui rend très bien à l’écran”.
Cette démarche illustre parfaitement comment l’institution soutient la création artistique émergente, permettant aux étudiants formés dans ses murs de concrétiser leurs projets en bénéficiant d’un cadre exceptionnel. La Sorbonne devient ainsi non seulement un sujet de film mais également un incubateur de talents, un lieu où théorie et pratique cinématographiques se rencontrent.
Le département d’études cinématographiques de l’université forme chaque année des centaines d’étudiants aux différents métiers du cinéma : réalisation, scénario, analyse filmique, histoire du cinéma… Certains de ces jeunes professionnels gardent un attachement particulier à l’institution qui les a formés et souhaitent y revenir pour leurs premières créations. Ce phénomène crée une forme de continuité entre apprentissage et pratique professionnelle qui enrichit considérablement le patrimoine audiovisuel lié à la Sorbonne.
Pour ces jeunes cinéastes, tourner dans ce lieu chargé d’histoire représente à la fois un défi technique et une opportunité unique. Les contraintes imposées par la préservation du patrimoine historique les poussent à innover dans leurs approches de tournage, développant des solutions créatives qui influenceront ensuite leurs méthodes de travail. Ainsi, la Sorbonne continue d’exercer son influence sur le cinéma français, non seulement comme décor mais également comme école de pensée et laboratoire de création.
